NOUVELLE LETTRE DE NAREK
Saint Grégoire de Narek, moine du Xème siècle, a su exprimer plus que tout autre la sensibilité du peuple Arménien. Donnant une voix au cri, qui devient prière, d’une humanité souffrante et pécheresse, opprimée par l’angoisse de sa propre impuissance mais illuminée par la splendeur de l’amour de Dieu et ouverte à l’espérance de son intervention salvifique, capable de transformer toute chose. « Dans l’attente certaine de sa puissance, je crois avec une indubitable espérance, me confiant dans la main du Tout Puissant… que je le verrai, Lui en personne, grâce à sa miséricorde et à sa pitié, et que j’hériterai du Ciel » (Saint Grégoire de Narek, Livre des Lamentations, XII).
La vocation chrétienne est très ancienne et remonte en 301, année où saint Grégoire l’Illuminateur a conduit l’Arménie à la conversion et au Baptême, la première parmi les nations qui, au cours des siècles, ont embrassé l’Évangile du Christ. Cet événement spirituel a marqué de manière indélébile le peuple arménien, sa culture et son histoire dans lesquelles le martyre occupe une place prééminente, comme l’atteste de manière emblématique le témoignage sacrificiel de saint Vardan et de ses compagnons du Vème siècle.
Illuminé de la lumière du Christ et avec sa grâce, ce peuple a surmonté beaucoup d’épreuves et de souffrances, animé par l’espérance qui vient de la Croix (cf. Rm 8, 31-39). « histoire faite de souffrance et de martyre est une perle précieuse dont l’Église universelle est fière. La foi au Christ, rédempteur de l’homme, vous a infusé un courage admirable sur le chemin, souvent semblable à celui de la croix, sur lequel vous avez avancé avec détermination, dans le but de conserver votre identité de peuple et de croyants».
Cette foi a accompagné et soutenu votre peuple également dans le tragique événement d’il y a cent ans « que l’on considère généralement comme le premier génocide du XXème siècle» . Le Pape Benoît XV qui condamna comme « inutile massacre » la Première Guerre Mondiale (AAS, IX [1917],429), s’efforça jusqu’au bout de l’empêcher, reprenant les efforts de médiation déjà accomplis par le Pape Léon XIII face aux « funestes événements » des années 1894-96. Il écrivit pour cela au sultan Mahomet V, implorant que tant d’innocents soient épargnés (cf. Lettre du 10 septembre 1915), et ce fut encore lui qui, lors du Consistoire secret du 6 décembre 1915, affirma dans un vibrant désarroi : « Miserrima Armenorum gens ad interitum prope ducitur » (AAS, VII [1915], 510).
Faire mémoire de tout ce qui est arrivé est un devoir, non seulement pour le peuple arménien et pour l’Église universelle, mais aussi pour toute la famille humaine, afin que l’avertissement qui vient de cette tragédie nous évite de retomber dans des horreurs semblables qui offensent Dieu et la dignité humaine. Aujourd’hui également, en effet, les conflits dégénèrent parfois en violences injustifiables, attisées par l’instrumentalisation des diversités ethniques et religieuses. Tous ceux qui sont placés à la tête des Nations et des Organisations internationales sont appelés à s’opposer à de tels crimes avec une ferme responsabilité, sans céder aux ambiguïtés ni aux compromis.
Que cette douloureuse occasion devienne pour tous un motif de réflexion humble et sincère, et d’ouverture du cœur au pardon qui est source de paix et d’espérance nouvelle. Saint Grégoire de Narek, interprète formidable de l’âme humaine, semble prononcer pour nous des paroles prophétiques : « Je me suis volontairement chargé de toutes les fautes, depuis celle de notre premier père jusqu’à celles du dernier de ses descendants, et je me suis considéré comme responsable » (Livre des Lamentations, LXXII). Combien ce sentiment de solidarité universelle nous touche ! Comme nous nous sentons petits face à la grandeur de ses invocations : « Souviens-toi, [Seigneur,]… de ceux aussi qui, parmi la race humaine sont nos ennemis, mais pour leur faire du bien : accorde leur pardon et miséricorde (…) N’extermine pas ceux qui me mordent, mais change-les ! arrache-leur la mauvaise conduite terrestre, enracine la bonne et en moi et en eux » (ibid. LXXXIII).
Que Dieu accorde que soit repris le chemin de la réconciliation entre les peuples. Ce sont des peuples qui, par le passé, malgré les divergences et les tensions, ont vécu de longues périodes de cohabitation pacifique, et même dans le tourbillon des violences ont connu des cas de solidarité et d’aide réciproque. C’est seulement dans cet esprit que les nouvelles générations pourront s’ouvrir à un avenir meilleur et que le sacrifice de beaucoup pourra devenir semence de justice et de paix.
Je confie à la Mère de Dieu ces intentions avec les paroles de saint Grégoire de Narek :
« O pureté des Vierges, reine des bienheureux,
Mère de l’édifice indestructible de l’Église,
Mère du Verbe immaculé de Dieu,
(…)
nous réfugiant sous la défense des ailes immenses de ton intercession,
nous levons les mains vers toi,
et avec une invincible espérance nous croyons que nous serons sauvés ».
(Panégyrique à la Vierge)
****
LA SANTE SEDE
BASILICA VATICANA
BENEDETTO XVI
Lettera Apostolica per la proclamazione di San Gregorio di Narek a Dottore della Chiesa
photo Originally uploaded by KMAIR* NAREK
©✈MMXXII Tutti i diritti riservati
Thank you for flying KMAIR*,
we hope you had a pleasant flight,
please fly with us again...