2014.10.19
JE SAIS CE QUE VOUS CHERCHEZ
Un peu plus d’un an s’était écoulé depuis le conclave d’où, le 21 juin 1963, il était sorti sous le nom de Paul VI, lorsque Giovanni Battista Montini conclut sa première encyclique, programmatique du pontificat, à laquelle il s’était mis à travailler immédiatement après son élection. L’intention, en effet, était de la publier avant la réouverture du Concile, interrompu, selon le droit, à la mort de son prédécesseur et que le nouveau Pape avait décidé de reprendre, à travers l’une de ses toutes premières décisions, dès le 29 septembre suivant.
Le temps lui manqua. Mais une rapide comparaison entre le long discours prononcé ce jour-là par Paul VI devant les pères conciliaires et Ecclesiam suam, publiée presque un an plus tard, le 10 août 1964, suffit pour se rendre compte que l’encyclique fut dans ses grandes lignes anticipée dans cette intervention. Le discours définissait avec une force lucide le parcours de Vatican II, et ce n’est pas par hasard que le nouveau Pape se référa au discours du 29 septembre dans les premières lignes de son document programmatique.
Outre un ensemble de notes préparatoires, on conserve de l’encyclique le texte autographe (reproduit en fac-similé en 1998), écrit entièrement par Paul VI. Il s’agit de quatre-vingts feuilles, longuement méditées, puis rédigées dans les premiers mois de 1964, après le voyage surprise en Terre Sainte, accompli pour « recevoir les leçons de l'authenticité chrétienne » et dont le texte rappelle « l'entrevue pleine de charité et non moins de nouvelle espérance » avec le patriarche Athénagoras à Jérusalem.
L’encyclique manifeste la pensée du Pape et la présente selon une double tripartition. Dans la vision de Giovanni Battista Montini, l’Eglise doit en effet approfondir la conscience d’elle-même, s’engager dans le renouveau, s’ouvrir au « dialogue ». Thème de près de la moitié du texte, le dialogue s’étend à trois grands cercles concentriques autour de lui: le premier, immense, constitué par l’humanité en tant que telle, le deuxième, vaste mais moins éloigné, par les croyants non-chrétiens, le troisième, plus proche, par les non-catholiques.
A un demi-siècle de distance, au-delà d’idéologisations et de résistances persistantes, les contrastes sur Vatican II se sont en grande partie atténués. Et si les débats du Concile ont inévitablement obscurci la médiation passionnée de Giovanni Battista Montini, son rôle, respectueux mais décisif, y apparaît toujours plus évident. Face à la « nouveauté étourdissante de l'ère moderne », écrit le Pape, l’Eglise, « avec une candide assurance, se dresse sur les routes de l'histoire, et elle dit aux hommes: "J'ai ce que vous cherchez" ».
Lire, cinquante ans plus tard, Ecclesiam suam et l’écriture claire de Paul VI fait comprendre qu’il s’agit davantage que d’une encyclique, beaucoup plus que d’un document programmatique. C’est ce que confirme une autre note autographe qui a suivi de peu: « Sans doute notre vie – écrit le Pape – n’a pas d’autre caractéristique plus claire que la définition de l’amour pour notre époque, pour notre monde, pour toutes les âmes dont nous avons pu nous approcher et dont nous nous approcherons: mais dans la loyauté et la conviction que le Christ est nécessaire et vrai ».
Médiation cohérente née d’une vie toute entière, le texte de Giovanni Battista Montini fut conclu le 11 juillet 1964. « La date officielle – écrivit à la fin du manuscrit Paul VI – pourrait être: Du Vatican, le 6 août 1964, en la fête de la Transfiguration de Notre Seigneur Jésus Christ ». Quatorze ans plus tard, en 1978, le soir de ce même jour, le Pape s’éteignait sereinement, après avoir pris congé d’un geste de la main, en priant jusqu’au bout avec les paroles du Notre Père.
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